On continue l’aventure au Nord du pays, les rencontres inattendues s’enchaînent et le désir d’en découvrir toujours plus ne fait que s’attiser. Un au revoir à mes compagnons de la veille et je me lance dans la quête de ma première expérience d’auberge japonaise avec leurs thermes diaboliquement agréables.
Je vous emmène découvrir les préfectures de Yamagata et Miyagi, suivez moi :
Réveil tôt pour rejoindre les villages de onsen de la préfecture de Miyagi.
Petit-déj rapide avec les copains de la veille, on échange les contacts et je les préviendrai quand je passerai sur Sendai. Petite photo de groupe et je m’en vais payer ma nuit comme un honnête gens à l’accueil (6 euros ça va c’est bénef ici).
Mon objectif serait un Ryokan (auberge avec termes et repas fournis) secret dans un village caché. Je traverse d’abord Naruko Onsen connu dans la région pour s’y ressourcer mais je continue avec un peu de distance vers ce village caché Onikobe Onsen. Je me tape la sale montée pour me prendre un stop de l’auberge visée. A cause du typhon à venir sur la région, ils ferment, super …
Je dois donc trouver un plan B. Mais d’abord, petite visite des spots à mini Geysers et écoulement de la source dans les hauteurs. Pas très safe avec les jets brûlants qui s’expulsent sur le chemin…
Bon il est temps que je me mette à l’abri et trouve un autre Ryokan sympa nommé Todoroki. La dame est super gentille et polie.
Elle m’apporte le yukata (kimono léger prêté dans les Ryokan, généralement porté à l’extérieur en été car moins épais) et me fournit le repas du soir. Quel délice. Une farandole de mets plus succulents les uns que les autres dans des petites assiettes. On se sent comme un petit roi dans son mini palais. Tempura de crevettes, viande à cuire sur son feu soi-même, petits accompagnements, du porc roulé, le poisson des rivières locales etc…
Ma chambre est super également, avec le futon et les tatamis (pas ceux du cours de Judo de l’école primaire hein, les vrais avec les tiges de riz), c’est typique.
Je descends ensuite profiter des sources chaudes : 1 bain séparé pour les hommes et les femmes (l’eau était brûlante, je ne pouvais pas m’immerger complètement), un bain privatif et un bain mixte extérieur (rotenburo). La règle d’or étant qu’il faut être nu pour pénétrer dans l’eau, c’est la coutume comme on dit 😛 Je n’ai rien dit pour mon tatouage par contre, je sais que cela peut être problématique en fonction de l’établissement. Mais je tente le coup et personne d’autre n’est là donc je peux profiter sans m’inquiéter tout en essayant de le cacher au maximum.
L’ambiance nocturne en solo est si agréable, je m’en délecte. Oublier le stress de planifier ou bien de penser à quoi manger, c’est super. C’est dans ces moments qu’on apprécie les choses simples ! C’est peut être bateau mais véridique, je vais sûrement même me répéter plusieurs fois.
Ma nuit va donc rimer avec un beau repos dans le creu de mon futon de Ryokan perdu dans la campagne japonaise.
Jour 9 Onikobe Onsen à Funagata (Yamagata) (82 km)
On profite une dernière fois des plaisirs du Onsen et du petit-déjeuner (salé avec du poisson de rivière).
La mamie était super sympa et m’offre même un paquet de bonbons, c’est trop mims. Les 13000 yens (~82€) la nuit et les deux repas le valent LARGEMENT. Je recommande ce genre d’expérience à toute personne de passage dans les recoins perdus japonais.
Démarrage tardif donc. J’arrive en milieu d’après-midi sur Ginzan Onsen qui est un peu plus huppé. La ville était une ville minière avec des ressources d’argent importantes.
Aujourd’hui, c’est juste touristique mais vraiment très beau, un Colmar à la japonaise quoi haha. Je réalise une mini rando pour voir les mines et profiter d’une super glace aux Sobas délicieuse (au sarrasin, mais ça reste sucré pas d’inquiétude). Les japonais maîtrisent l’art de la glace sans problème.
Je souhaite ensuite me diriger vers la côte ouest du Tohoku. Je fais le maximum de distance jusqu’à un spot random pour poser ma tente dans le coin d’un terrain de baseball. Après en avoir croisé autant, il fallait bien qu’un jour j’en squatte un 😛 Les moustiques et araignées sont de la partie mais j’arrive rapidement à m’installer et me coucher pour pouvoir démarrer à l’heure demain.
Jour 10 Funagata à Dewa Sanzan (59 km)
Aujourd’hui, objectif le mont Haguro San (San voulant dire Mont déjà) et la région de Dewa Sanzan (les trois montagnes sacrées), lieu de pèlerinage réputé dans le Nord du Japon.
Je voudrais tenter de faire le Shukubo (dormir chez les moines et goûter leur cuisine végétarienne). Mais d’abord, stop Soba encore une fois chez un vieux monsieur qui a son resto dans sa maison, la déco c’est vraiment un appart style année 80/90 avec grosse chaîne hi-fi des portraits partout, j’adore !
En arrivant à destination pour tenter le Shukubo, toutes les institutions ouvertes (5-6) me refusent car il faut réserver en avance… c’es balot. Je ne savais pas que les pèlerins japonais étaient si bien organisés, c’est rapé.
Les plus gros problèmes avec ces réservations sont 1/les sites compliqués à traduire du japonais et 2/ ils requièrent souvent un numéro pour réserver (de préférence japonais). Avoir un numéro qui fonctionne avec le réseau japonais n’est pas faisable comme chez nous avec une simple carte SIM à aller chercher en tant que touriste, l’obtention est plus compliquée. Donc bon, la réservation ne sera pas évidente à organiser même les prochaines fois.
Je me consoles dans un café pour goûter une boisson bizarre au vinaigre, pas très bonne. C’est le premier faux pas gustatif mais la serveuse est adorable et son chat est tout mignon et gentil donc ça va.
Je vais ensuite grimper le mont en vélo, dépité de devoir faire une nuit camping sur les sommets au lieu d’un temple mais c’est comme ça, c’est le jeu avec ce type de voyage.
Zé barti. Je ne fais pas long feu pour m’endormir et j’irai visiter les temples du mont demain matin.
Jour 11 Dewa Sanzan à Murayama (71 km)
Lever matinal pour prendre 2h de visite sur le complexe bouddhiste de Haguro San, les bâtisses sont rougeoyantes et colossales. C’est dommage, il y a pas mal de travaux autour de la pagode et du beffroi. Je profite tranquillement du reste du complexe.
Plusieurs petits baraquements représentent différentes divinités pour lesquelles on peut prier.
Pas loin de la pagode on retrouve un superbe cèdre millénaire nommé Jiji San (Grand Père). Ça c’est du tronc, on veut concurrencer les baobabs par ici.
Pour rejoindre ma prochaine destination touristique, je retourne dans le sens inverse de la veille pour redescendre vers la ville de Yamagata et le temple Yamadera, oui c’est la session enchaînement de temples bouddhistes sur cette semaine.
Le physique que j’ai pu récupérer à Onikobe est à nouveau en déclin et mon corps me réclame une pause, je la ferai dans 2 jours en arrivant sur Sendai. Je viens de faire plus de 10 jours de vélo non-stop avec une préparation tronquée, ce que je n’ai jamais réalisé auparavant.
C’est donc une 3ème nuitée camping de suite qui se profile, cette fois, entre arbres et chemins d’un patelin. Il fait incroyablement chaud, je dors sans sac de couchage, juste un drap léger et le matelas pour rester frais autant que possible.
Jour 12 Murayama à Route vers Sendai (Miyagi) (77 km)
Des animaux ont fait du bruit cette nuit, j’ai un peu flippé mais tout va bien.
Je décide de skipper la ville de Yamagata, rien d’intéressant à voir là-bas pour moi. Ce sera directement le temple Yamadera. Ce temple niché sur les hauteurs est bien caché et nécessite une belle ascension de 1015 marches. Les bâtiments ne sont pas forcément imposants ou très beaux mais le lieu et la vue sur la vallée rendent l’endroit mystique. Avoir réalisé ces constructions sur ces hauteurs il y a plusieurs siècles, cela a dû être une réelle épreuve de force !
Je rencontre un gentil japonais avec qui on discute quelques courts instants, des discussions passagères sans grand impact mais qui font tout le charme de ces visites et voyages inopinés.
Sur la redescente, dans le village, je cherche à me fournir en Kakigori (les glaces à l’eau pilées) pour me rafrîchir mais c’est sans plus. Il y en a sûrement des bonnes mais celle-ci donnait vraiment l’impression de croquer dans la glace auquel on a ajouté un sirop bas de gamme par dessus. A refaire dans un vrai établissement.
Le temps commence à se gâter et je souhaite éviter le nuage gris dans la vallée de Yamagata pour retourner sur Miyagi et ses hauteurs. La nuit commence aussi à tomber. Je pédale au max de mes capacités.
Je m’arrête manger un bon ramen et rencontre un trio de garçons du Bangladesh. Ils vivent sur Sendai et me proposent de les contacter quand j’arriverais. Je leur ferait savoir demain du coup.
Arrivé au sommet, je ne trouve aucun lieu intéressant pour dormir, je décide donc de continuer un peu mais c’est difficile dans le noir, certains camions me klaxonnent même, c’est très stressant et dangereux, je dois l’avouer. Au bout du compte, je pose la tente proche d’une maison qui semble inoccupée (au moins pour cette nuit), je tâcherais d’être silencieux.
Jour 13 Sendai Demi Pause 1 (31 km)
Après un check nocturne des visites à faire sur Sendai, je vois que sur le chemin se trouve la 2ème distillerie Nikka du pays et qu’ils offrent des visites. Je décide donc de retarder un peu mon arrivée en ville pour profiter de ce pans d’histoire alcoolisé et le monument moderne reconnu à l’international du whisky japonais.
Petite explication de la visite :
Le fondateur de la marque Nikka, passionné de whisky et souhaitant se faire la main, part en Ecosse pour apprendre des meilleurs.
A son retour, il analyse la géologie du Japon et localise sa première distillerie sur l’île de Hokkaido, sans doute la plus proche du climat écossais. Par la suite, il souhaite en ouvrir une deuxième pour d’autres expérimentations, comme du whisky moins tourbé. Il était fan des styles écossais mais souhaitait innové en quelque sorte.
Fondée en 1969, la distillerie Miyagikyo voit le jour pour produire un whisky plus doux avec l’apport en eau de deux rivières en pleine nature. Le fondateur fait tout pour que le complexe se fonde dans la masse et ne phagocyte pas toute la nature environnante. Même le bois utilisé pour les fûts est raisonné pour ne pas trop déforester (je valide l’idée).
Pour mon accès à la visite, je fais une seule erreur, je ne pourrais pas goûter de whisky car j’ai mentionné mon trajet en vélo et au Japon, c’est tolérance zéro même sur la bicyclette. Trop la chance, j’aurais un jus de pomme bien naze en guise de dégustation, super.
Cela ne m’empêche pas de renifler les tubes de test olfactifs pour me décider qu’une bouteille de Nikka Coffey Grain serait un superbe choix pour le retour si je peux en trouver une bouteille sur Tokyo. Je ne peux pas transporter des bouteilles fragiles sur tout mon trajet, ce serait de la folie. En plus les prix sont relativement raisonnables.
Pour ce type de Whisky utilisant le principe du Coffey still (alambic à colonne) un peu différent de la distillation classique, il y a plus de pertes et de procédés expliquant sa rareté et son prix un peu plus élevé.
Il est à présent temps de me diriger vers Sendai. Je constate rapidement que c’est une grande ville, bien étendue avec beaucoup de verdures et de parcs jusqu’à atteindre le centre ville.
Je check-in dans mon hôtel capsule et, surprise ! Il mentionne que les tatouages ne sont pas tolérés. Première petite frayeur … les douches ne sont pas closes, je prends donc des nettoyages express pour que personne ne voit mon tatouage au bras et me cacher le plus vite possible comme un vilain.
Pour la peine, je vise une sortie Gyutan pour profiter du mets de langue de bœuf tant convoité ici, et quel plaisir lors de la dégustation. C’est un peu plus cher que les plats habituels mais mon dieu que c’est bon et fondant. Le petit goût de fumé de la cuisson au charbon, mamamama, c’est juste indécent. Avec mon petit Highball (Haiboru à la japonaise), je suis simplement refait !
Je contacte ensuite la connaissance de la veille, Arafat, pour une petite sortie inopinée en voiture vers la plage. Il roule un peu sauvagement mais nous amène à bon port. On profite du bruit des vagues et du temps agréable de nuit pour papoter. Avec son ami, ils me disent leurs difficultés d’intégration sur Sendai qui est une ville moins accoutumée aux étrangers. L’un est en étude et l’autre travaille dans des Konbinis. Ils se débrouillent comme ils peuvent là où la vie les mènent, c’est sympa à découvrir en tout cas.
Puis un bon dodo pour me reposer et préparer la journée de demain qui sera ma première VRAIE PAUSE, mon dieu j’ai hâte.
Jour 14 Sendai - Matsushima Pause 2
Enfin 0 kilomètre à vélo pour cette journée. Les objectifs sont clairs :
- visiter Matsushima à l’aide du train en journée
- Puis revenir profiter d’un match de Baseball (Yakyu en japonais) en soirée pour y voir l’ambiance et le niveau, même si je n’y comprends rien, à part quelques bases (jeu de mots bien senti pour les connaisseurs).
Je souhaite tout d’abord échanger mes yens en euro, je le fais pour une valeur de 100€ mais plus jamais à ce taux de change qui était simplement délirant. Je perdrais environ 10% par rapport au taux de change réel, une fois mais pas deux, désolé. Je garderais mes euros pour le retour en France et utiliserais mes comptes bancaires malgré quelques frais (toujours moins important que ces bureaux de change).
Arrivé sur Matsushima, un peu au milieu de nul part, je découvre leur marché au poisson bien frais qui a l’air super sympa. On peut même y manger des huîtres cuites. Je voulais en goûter mais c’était trop tôt pour mon estomac et au retour l’étale était déjà fermée (après 16h)… Une prochaine fois peut être.
J’atteins finalement la côte, ce pourquoi la ville est reconnue avec ses multiples îles les unes à côté des autres.
Je trouve ça splendide. L’une d’elle est même reliée à un pont, je la parcours pour une belle heure. On y voit la flore, le petit parc, les autres îles, un beau moment de détente à n’en pas douter.
Je vise ensuite les temples bouddhistes (comme d’hab) :
- Tout d’abord le Zuigan-Ji. Initialement conçu par des moines, c’est ensuite Date Masamune (l’homme qui a mis Sendai sur la carte du Japon) qui agrandit les lieux et le rend majestueux. On peut y admirer (sans photos) le Fusuma-e, l’art des peintures sur fenêtres coulissantes japonaises. Ils ont même importé le bois de Wakayama (à près de 1000km d’ici, pour du cèdre spécial). On peut y voir des faucons qui représentent le clan de Date, qui appartient à la secte (courant de pensée bouddhiste) Rinzai Zen basée à Kyoto mais aussi des lions chinois très rigolo. On voit que c’était plus imaginaire que réaliste sans avoir pu voir les lions de leurs propres yeux haha.
Plusieurs calligraphies m’ont aussi interpellé dont on devrait s’inspirer : N’envies pas ce que les autres ont. Ou bien La souffrance peut être une graine pour la joie. Je m’en inspirerait à l’occasion (le vélo me la rappelle tous les jours celle-là 😛 ). Les jardins et le muséesont aussi très sympathiques, j’y découvre qu’un manga sur la ville et un certain moine historique existe. On peut y voir l’art du Sumi-e de la peinture à l’encre très abstraite où l’on voit distinctement le mouvement de l’artiste.
- Je poursuis avec le Entsu-in et ses superbes jardins à admirer en toutes saisons (l’orange de l’automne doit être merveilleux), je me contenterais du superbe vert étincelant des érables et cèdres. On peut également concevoir son propre bracelet bouddhiste et découvrir la signification de chaque perle choisie.
Je vais encore rapidement à Kanrantei, la maison de thé de la ville avec vue sur la baie. Quelle douceur et une vraie pause dans le temps assis en tailleur (je commence à “m’habituer”). C’est une maison qui était à Kyoto et a littéralement été transportée jusqu’ici en cadeau à Date, mais c’est des fous 😀
C’est pas tout mais je dois encore arriver à l’heure pour le match des Golden Eagles du Tohoku (Sendai) contre les Orix Buffaloes (Osaka). Je me prends une casquette pour le côté fan mais surtout parce que je n’en ai pas et en plein cagnard sans le casque du vélo c’est bien pratique 😀
L’ambiance est très séduisante et rigolote avec les chants des supporters japonais. C’est motivant et un peu kawaii, je me prends même au jeu et chante avec eux quand je peux lire les lettres sur l’écran.
Le match en soit est serré mais ennuyant, 0-0 aux manches réglementaires, il faut donc les prolongations. Les Orix font craquer les Golden Eagles et l’emportent finalement 0-2.
Pas de regret, ça valait largement la peine pour un billet à 15-20 euros !
Avant de rentrer dans ma capsule, je réussis à revoir mes amis de Sendai rencontrés au camping il y a une semaine (cf Jour 7). On mange des yakitori et un autre verre dans un ptit bar sympathique. Les retrouvailles sont cools malgré certaines barrières de langue. Je ne peux que les remercier pour leur accueil chaleureux et rentrer l’esprit léger avant de reprendre le vélo pour une nouvelle semaine et une nouvelle préfecture, j’ai hâte.
On se voit pour la partie 3 !