Après une belle pause bigrement méritée sur Sendai, il est temps de descendre plus au Sud et rejoindre la fameuse préfecture de Fukushima. Un passage très intéressant permettant d’en découvrir plus d’une région malheureusement trop connue pour une catastrophe de l’ère moderne. Fukushima – Nikko (Tochigi) un passage d’un Japon plus historique.
Je vous laisse découvrir cela dans l’article du jour :
Départ tardif pour d’abord visiter les hauteurs du château (qui n’existe plus), la vue sur la ville est vraiment stylée. On peut admirer une belle statue de faucon, de Date (Masamune, explication Jour 14) mais aussi voir au loin le bouddha rose de la ville, Kannon, que je ne verrais pas de plus près, à voir une prochaine fois.
Je veux ensuite atteindre Fukushima. Je veux d’abord voir les plages et la côte d’une des préfectures les plus touchées par le tsunami de 2011. On voit que tout a été rasé et que les arbres peinent à repousser. On découvre un côté meurtri du pays qui veut pour autant remonter la pente (beaucoup de structures anti tsunami ont été construites). Le vent souffle comme jamais et je constate que se baigner dans cette eau serait inconscient. Les corbeaux à côté de moi ne peuvent même pas bouger et font du surplace.
Le reste de la journée ne consistera qu’à aller au plus vite vers Fukushima sous une pluie atroce et une visibilité nulle. La sécurité n’était pas de mise en arrivant encore une fois en pleine nuit et sans lumière.
Je prends ma chambre dans une auberge très sympa et vais manger une salade de papaye thaï, ça pique un peu mais c’est délicieux pour me réconforter de la journée. Je ne souhaite qu’une chose à présent : dormir.
Jour 16 Fukushima à Motomiya (42 km)
Au réveil, je constate que mes sacoches avant sont de plus en plus béantes. Je dois trouver une solution : pour l’instant ce sera couture à la main en achetant un fil et des aiguilles dans les shops à deux euros de la ville. Ça me prend une belle matinée de faire ça et de scotcher par-dessus. Le résultat semble solide. Mon autre option aurait été de faire livrer un colis en Konbini pour de nouvelles sacoches. Mais mon côté économe me dit que la couture suffira, en tout cas je l’espère.
Pour le petit-déj, je déguste un super Omurice (omelette sur du riz assaisonné) conseillé par le gérant de l’auberge et pars vers le sud pour découvrir plus de cette préfecture que l’on associe trop à l’incident de 2011.
Point info : Fukushima est une ville ET une préfecture, comme la majorité des préfectures du pays, elles prennent le nom de leur capitale. C’est pour cela que l’incident de Fukushima est lié à la préfecture, mais la ville est loin de la côte et n’a pas réellement été affectée par le tsunami ou l’accident nucléaire. Par contre, en suivant la côte, il y a certaines zones plus dangereuses comme celles encore irradiées, que je ne viserais pas pour ce trip. Restons bien à l’intérieur pour profiter du dénivelé positif 😛
La ville est sans plus mais je pense qu’il y a quelques coins à explorer pour profiter des boutiques, restaurants et autres activités.
J’arrive tardivement sur Motomiya en contournant un des lieux phare mais très pentue de la région : la Sky Line road, un passage dans les montagnes de Fukushima, une prochaine fois peut être.
Je pose la tente près d’un champ en contrebas qui me semble bien à l’écart de toute maison pour être bien tranquille.
Jour 17 Motomiya - Goshiki Numa (46 km)
Mauvais calcul pour la nuit, je n’ai plus d’eau et me réveille plusieurs fois, assoiffé, profitant des dernières gouttes de ma gourde. Ma gorge est sèche à 3h du matin, je décide donc d’aller rapidement dans le village pour y retrouver les fameux distributeurs de canettes présents dans n’importe quel patelin japonais. Je ne suis pas fan de cette idée de surconsommation de plastique à usage unique mais cette fois-ci, spécialement, ça m’aura sauvé ma nuit et ma soif très pressante. OUF 😀
Au petit matin, je souhaite visiter les étangs de Goshiki Numa et voir le mont Bandai (si vous connaissez le film et jeu Street Fighter, vous connaissez la marque du même nom que le mont). Je pars en vitesse voyant une voiture s’arrêter près de mon spot. Ils vont tous me poursuivre ces japonais matinaux 😀
J’aurais voulu directement viser la ville d’Aizuwakamatsu en fin de journée mais ma journée ne se déroulera pas comme prévue… Je roule sur un morceau de verre et mon pneu arrière est crevé. Je change la chambre à air et le pneu assez rapidement et ne perds qu’une vingtaine de minutes. MAIS la fatigue mentale me gagne et je trouve que le pneu n’est pas assez gonflé. J’essaie donc de le gonfler plus et c’est ainsi qu’en ne fixant pas assez bien le vélo, il tombe avec ma pompe en main. Résultat : Valve de la nouvelle chambre à air pétée et ma pompe aussi. Je ne peux donc plus rien gonfler et je dois rechanger la chambre à air. En conséquence, je rejoins le village voisin, pour y trouver de l’aide. Je tombe sur un office de police, les messieurs m’aident à trouver une pompe type Presta (embout au style “français”), la première étant pour une Schrader, je leur dis que non ça ne marchera pas. Ils parcourent tout le village pour enfin me trouver le bon matériel… C’est si adorable je ne savais pas quoi leur dire. Je leur dit un ÉNORME merci et leur en doit une !
Je vais me ressourcer en prenant un petit repas réconfortant en fin d’après-midi pour ensuite camper près des étangs que je visiterais finalement demain dû à cette perte de temps de plus de 2h.
Jour 18 Goshiki Numa à Aizuwakamatsu (56 km)
Je démarre doucement pour faire une partie du lac Hibara et je rejoins les étangs Goshiki Numa pour faire une petite balade. Le camaïeu de bleu et de vert est sublime et châtoyant (un peu comme les lacs de Plitvice en Croatie, cf Jour 5 Balkans Trip). La petite info de la présence d’ours l’est un peu moins par contre, il faudrait une clochette ou mettre constamment de la musique. Bon, je ferais du bruit tout le long de ma marche et ça ira haha.
Les étangs ont été formés par l’éruption récente du mont Bandai en 1868, laissant sur son passage des villages dévastés et des enfoncements dans le sol qui ont donné ces étangs. C’est assez curieux, un malheur peut au final créer de la beauté avec le temps.
Je pars ensuite vers le lac Inawashiro pour rejoindre la ville d’Aizuwakamatsu.
La descente du lac vers la ville est un pur plaisir de vitesse, j’adore ! TOUT SCHUSS ! Je passe rapidement récupérer du matériel de rechange dans un magasin de cycles (nouvelle pompe tchécoslovaque, quel hasard ! et une chambre à air).
Je vais ensuite voir la colline des Byakkotai, de jeunes samouraïs qui se sont donnés la mort lorsque la ville d’Aizu est tombée aux mains de l’empereur en 1869 (guerre de Boshin). Un seul d’entre eux a survécu par “maladresse” lors de son seppuku (rituel du suicide) et a pu conter leur histoire. Sur cette colline, se trouve aussi le sympathique temple Sazaedo en forme de Sazae (un mollusque/coquillage du Japon, que je “reverrais” plus tard dans la préfecture de Matsue 😛 ). Parcontre, pas besoin d’y entrer, payer 5 euros pour monter un colimaçon et redescendre n’est pas nécessaire 😀 (#jesuisunpigeon).
On sent vite qu’on rentre dans un Japon plus historique. L’ère des samouraïs est très présente ici avec plusieurs maisons à visiter. J’en ferais une demain.
Arrivé à l’auberge qui vient d’ouvrir récemment, l’hôte Gina est très accueillante et j‘ai l’endroit à moi tout seul hehe. La région des plaines d’Aizu entourée de montagnes et donc peu d’accès à la mer signifie que la spécialité du coin ne sera pas du poisson … mais du sashimi de cheval (tranche crue, ici de viande). Je me lance et honnêtement c’est assez basique, pas fort en goût et la texture est plus ou moins comme du bœuf. Le gérant m’offre même du Horumon de cheval assaisonné à la sauce soja. Je ne sais initialement pas ce que c’est et au final je me rends compte que les horumon sont les abats haha, j’ai peut être dégusté de l’intestin de cheval, je ne sais pas 😀 je n’en suis pas mort ça va. Un monsieur bien alcoolisé me tape aussi la discute, même avec un traducteur la conversation est difficile avec son taux d’ébriété mais c’est cocassse et plutôt marrant. Je rentre ensuite me reposer, une journée de visite matinale m’attend demain.
Jour 19 Aizuwakamatsu à Shimogo (37 km)
Démarrage pour visiter le reste de la ville, en premier Oyakuen. Jardin et maison de thé reconstruits par le clan Aizu après sa destruction. Il est inspiré des coréens avec beaucoup d’herbes médicinales. Le jardin a survécu malgré la guerre de Boshin (guerre de la fin des Samouraïs au Nord du Japon). Les couleurs et la mousse d’été sont enivrantes et une vraie pause de douceur s’installe malgré la pluie abondante, je me délecte du moment.
Je pars ensuite vers la maison de Aizu Bukeyashiki, c’est sympa mais rien de waouw comparé à ce que j’ai pu voir à Kakunodate. On y voit les différentes pièces de vie du clan, des invités de marques etc… L’anecdote sensationnelle étant la femme et les enfants du chef de clan qui se sont donnés la mort pendant la guerre de Boshin pensant que le mari était décédé. Mais au final non, il a survécu, l’histoire a du être déchirante.
Avant de partir, je passe encore voir le château d’Aizu qui est très beau niché en hauteur avec la mascotte de la région juste à côté. Puis, dégustation de thé oblige, avant de repartir.
Je veux encore manger un bout mais il semblerait qu’ici les restos sont peu à être ouverts à 14h. Je finis par trouver un resto de brochettes assez atypique, je mange du konjac, du mochi, du herring etc… et un petit verre de saké laiteux, curieux mais bon.
Je pars tardivement vers Shimogo. Je souhaitais voir Ouchi Juku, un village folklorique d’une époque très ancienne avec des maisons en toit de chaume, mais le dénivelé me démotive et je verrais un village similaire plus tard sur le chemin donc pas besoin.
J‘arrive donc sur le camping de Shimogo et là, super moment 😛 Je vois une tente et un vélo de trekking à côté, un australien nommé Vincent m’approche et me questionne. On se rend rapidement compte que l’on vient d’un trajet similaire depuis le Nord (lui, depuis Hokkaido et moi, depuis Aomori) et nous nous dirigeons vers le même endroit pour les prochains jours (il vise Osaka par les montagnes, je veux réaliser le même trajet mais pour continuer sur Hiroshima ensuite). D’autres points communs du trip se révèlent, visiter un village thermal dans les montagnes (Kusatsu Onsen), utiliser Komoot pour se guider, l’approche mentale pour faire une visite ou l’annuler. On se marre bien et on décide qu’on passera un petit morceau de notre trajet en commun, sans se promettre une route partagée à 100%. On verra ce que le destin nous dira. J’aime ce principe.
Il est maintenant temps pour nous de nous ressourcer pour un trajet dans les vallées entre Fukushima et Tochigi pour un repos sur Nikko.
Jour 20 Shimogo à Nikko (Tochigi) (85 km)
Avec le Vinc, on part sur Nikko. Quelques grimpettes se profilent mais on gère tranquillement, je vois qu’il a un mois d’avance de vélo dans les jambes. Il encaisse mieux les montées ardues même si on a un rythme assez similaire donc ça passe.
On arrive sur Ryuokyo, la cascade du dragon ! Les gorges et les cascades sont superbes, la petite balade est sympa. Vincent se prend une vieille sangsue sur le pied avec ses sandales de l’enfer… Ca ne m’a pas fait kiffer mais bon, lui c’est un australien, il a l’habitude avec les bestioles bizarres et sauvages ce grand fou 😛
J’apprends aussi qu’il est vegan, on s’adaptera pour le régime alimentaire, pour lui c’est surtout Konbini et manger des onigiri (gâteaux de riz) à la prune ou autre mets sans produits animaux, yes 😀
On arrive difficilement sur Nikko avec notre auberge dans les hauteurs mais l’ambiance y est vraiment super. On rencontre une allemande super sympa, Leona, jeune chanteuse en devenir, de vadrouille pendant 3 mois au Japon. On établit le plan de la journée de demain qui sera une belle pause pour apprécier le complexe du temple le plus connu de Nikko (il y en a 3 ici), le Toshogu. Qui a été construit par la famille la plus dominante du pays sur près de deux siècles, les Tokugawa.
En cette soirée, j’aurais été servie pour la première fois par un robot dans une chaîne de restaurant, c’était rigolo et très perturbant à la fois. La journée aura été riche en aventure, on retourne donc à l’auberge pour dormir et profiter d’une belle journée de pause demain.
Jour 21 Nikko Pause
Enfin ! Mon deuxième jour de repos en 3 semaines, ça se fête WOUHOU.
On part en trio visiter le Toshogu. On papote beaucoup durant la visite mais on apprécie quand même le moment. La pagode du début serait tenue à l’équilibre grâce à une boule comme un pendule pour contrer les potentielles secousses dans ce pays très chamboulé par les séismes. Une moulure d’un chat qui dort qui est super mignon est à découvrir lors de l’ascension du complexe. Je remarque que les arbres sont un peu différents du Nord, il y a beaucoup de pins parapluies qui seraient endémiques du Japon.
On voit également le ”portail” / la porte la plus détaillée et majestueuse du Japon, qui est de couleur blanche avec pleins de moulures sublimes. Malgré la précision chirurgicale de la composition, un pilier est à l’envers, ce qui serait intentionnel. C’est expliqué que plusieurs cultures asiatiques voient d’un mauvais œil la perfection lors de la construction d’un gros projet, cela voudrait dire que sa destruction est imminente. C’est pourquoi cette décision d’imperfection a été prise.
Plusieurs grands noms de l’histoire japonaise seraient enterrés par ici. Le plus important étant Tokugawa Ieyasu, l’instaurateur du pouvoir total du Shogun (dirigeant les samouraï) sur le pays et l’unification de ses clans. Cela marque un temps de paix et de fermeture du pays à l’étranger pour plus de 250 ans. Il y a même un bâtiment conçu pour y contenir le cheval de Ieyasu qui l’a aidé à combattre à la bataille de Sekigahara (celle qui marquera sa victoire pour l’unification du Japon et que je visiterais plus tard, j’espère).
Avec la brume et la chaleur combinées à l’humidité, le lieu prend réellement une tournure mystique et un peu terrifiante.
On va vite manger un morceau et on visite un joli pont de la ville et rentrer au plus tôt.
Ces visites historiques m’ont vraiment donné envie d’en savoir plus sur les personnages et événements dont je connais un peu l’histoire mais pas assez pour comprendre la complexité de la culture japonaise. Je me réjouis de cela.
On passe rapidement au supermarché pour notre repas du soir et le petit-déjeuner du lendemain (avec une petite surprise/découverte pour nos papilles occidentalisées 😀 ). On s’amuse beaucoup sur tout le trajet et on aperçoit même de super lumières la nuit sur le retour.
On profite des derniers instants de notre belle journée de repos avant de continuer notre chemin vers le début des hauteurs sérieuses du Japon aka les Alpes Japonaises.
Cet article marque la fin de la traversée du Tohoku pour entrer vers un Japon plus riche et central. Les découvertes ont été omniprésentes sur cette semaine tout en ayant fait la connaissance et l’acquisition d’un nouveau compagnon de route avec qui, je l’espère, on pourra passer encores quelques jours/semaines à se soutenir dans notre aventure.
Rendez-vous au prochain numéro pour plus d’expériences nippones.