En Janvier 2020, un projet fou me trotte dans la tête. Lassé de mon travail dans l’automobile en Allemagne, je me lance le défi de traverser les Balkans à vélo. Mes parents ne sont bien entendus pas enchantés mais acceptent et me soutiennent quand nécessaire. Surtout que je n’ai jamais quitté le cocon familiale en solo.
Je ne sais même pas encore comment changer une roue ou une chambre à air ou bien faire plus de 40 kilomètres à bicyclette dans une journée. Pour palier à cela, je prends les mois précédents le Jour J pour me renseigner au maximum sur l’entretien d’un vélo, l’organisation d’un voyage à vélo, acheter mon compagnon de route ou même prendre 2 mois pour m’entraîner aux distances qui m’attendent. Cela a été un long processus stressant mentalement avant le départ mais c’est ce qu’il faut pour bâtir l’esprit nécessaire à ce type d’aventure.
Le Covid m’inquiète un peu à ce moment là, mais je profite de la fenêtre estivale et des relâchements des normes dans chaque pays pour tenter ma chance. Le projet final est de partir depuis la pointe Nord-Est de l’Italie pour traverser les Balkans (Slovénie – Croatie – Monténégro – Serbie) puis de revenir vers la maison en passant par la Hongrie, la Slovaquie, l’Autriche, l’Allemagne, le Liechtenstein et la Suisse pour finalement rejoindre ma terre de cœur, mon Alsace adorée.
Arrive donc le jour du grand départ vers Trieste avec mon Papa. On passe une superbe semaine à traverser l’Est / Sud-Est de la France puis le Nord de l’Italie. Le grand saut se profile donc début Août, précisément le 07/08/2020. Je quitterais le paternel pour une courte section d’Italie puis vadrouillerais dans ces contrées slaves du Sud de l’Europe. Une larmichette à l’oeil, les premiers kilomètres seront émotionnels. Au départ de cette aventure, je prendrais la décision d’avoir un journal de bord partageant mes souvenirs quotidiens (positifs ou négatifs) afin de conserver ces mémoires dans le futur, souvenirs que vous pouvez lire à présent.
Le découpage du récit se fera par semaine mais je considère le voyage en 3 étapes distinctes. La partie 1 étant la traversée de la Croatie et surtout le passage suivant l’Adriatique. La 2ème reflétant la découverte de 2 pays totalement méconnus à mes yeux, qui vont m’offrir un regard nouveau sur les cultures m’étant étrangères et que j’appréhende (le Monténégro et la Serbie). Puis, la partie 3 marquant mon retour dans la zone UE, la majeure partie étant germanique (hormis la Hongrie et la Slovaquie), elle me sera culturellement plus familière. Je vous laisse donc profiter de la première semaine en espérant accrocher votre oeil de lecteur pour poursuivre tout le long du récit jusqu’au retour à la maison (en tout cas, on se le souhaite).
(PS: les Dénivelés positifs des cartes sont erronnés MAIS les distances sont cohérentes)
Après avoir passé une superbe semaine en camping-car en compagnie de mon père, la route vers le grand bain démarre officiellement le 07/08/2020.
Départ sous l’émotion dans l’après-midi, 14h30, depuis Sistiana pour passer par Trieste – Koper – Piran et finir sur une nuit d’expérimentation d’un champ à la belle étoile.
La séparation est rude mais les roues sont enfin lancées pour apprécier le peu de côte maritime que la Slovénie a à m’offrir. Premiers Ćevapi (čevapčiči en Slovénie, tchevaptchitchi à la française) et pas les derniers ! Ce sont de délicieux “rouleaux” de viande hachée et grillée (en général un mélange de boeuf, porc et agneau). Je continue ensuite ma route dans le noir pour me retrouver à (ne pas) poser la tente au milieu d’un champ car je vais finir à la belle étoile aux portes de la Croatie. La rosée et les bestioles n’ont fait qu’agrémenter cette nuit de palace en plein air 😀
Jour 2 Piran à Brest Pod Uckom (66 km)
Départ 9h : Réveil près d’une dame qui cueille ses légumes à côté de mon matelas. Cependant, elle me laisse tranquille, j’ai de la chance. La traversée de frontière est un peu embêtante (la Croatie est hors Schengen en 2020) mais on fait la queue et on attend. Les premières grimpettes en Croatie piquent un peu (1820 m de D+/Dénivelé positif sur les jours 2 et 3, ça picote), je pense donc à Papa qui est sur la route en Autriche et pourrait me sauver et déjà me ramener. Puis, ma fierté me rappelle que j’ai préparé ce projet depuis bien trop longtemps pour abandonner, il faut serrer les dents maintenant.
Pas de forme olympique avec beaucoup d’arrêts et quelques craquages mentaux (certaines montées se souviendront sûrement de mes cris). Leçon pour le reste du trip : les parcs/jardins d’enfants mais surtout les cimetières seront de bonnes options pour de l’eau potable gratuite et rapides pour remplir la bouteille (d’autres cyclistes l’ont fait juste devant moi).
Le moral dans les chaussettes, je trouve quand même un beau spot nocturne près de la Brest croate. J’espère que ça roulera mieux le lendemain.
Jour 3 Brest Pod Uckom à Senf (80 km)
Départ 9h : La côte du départ me sappe le moral (400m de D+ sur 10km), cela couplé à des indications très aléatoires de Komoot (mon application GPS), je me retrouve dans une descente de l’enfer vers Opatija. Un chemin de rando sur 500m à dévaler sur un vélo Touring chargé à fond, eh bah super… Je vais donc marcher et tenir ma bécane tant bien que mal jusque la fin du calvaire.
Je prends une petite pause déjeuner sur Opatija afin de me relaxer et profiter de mes premiers moments de vie adriatique. Je profite de la mer, d’un bon resto et d’un cocktail au Hemingway Bar pour me rafraîchir l’esprit. Leur tarte Ferrero Miam; quel délice !
Sur le chemin, j’ai rencontré une française très gentille. Elle est ici car mariée à un croate, elle m’aura supporté mentalement (dernier jour de dépression solitaire avant le kiffe qui va suivre).
En repartant, j’obtiens une petite douche gratuite suite à un orage sur Rijeka, c’est “sympa” aussi. Avant la nuit en tente, entre les habitations après Rijeka, je rencontre des pêcheurs “longue distance” sur un lac, les hameçons fusent sur 30m pour appâter leur cible, c’est très impressionnant. Le dodo proche des habitations se fera en toute discrétion, je tiens à rester respectueux et ne pas avoir d’ennuis.
Jour 4 Senf à Plitviče (120 km)
Départ 8h30 pour un pédalage intensif jusqu’au coucher de Soleil à 20h.
Passage autour de Senf avec du beau D+ et des grimpettes qui laissent place à de superbes vues sur la côte croate. Un vrai plaisir.
Première vraie performance (plus de 100km le quatrième jour) sans souffrir et avec un mental déterminé à rejoindre un camping pour un peu de confort. Avoir un vrai but comme le camping et les lacs de Plitviče aide à se projeter et garder l’esprit sur les bons rails. Je m’apprête donc à entrer plus vers les terres où il y fait plus frais, ce qui est appréciable sur mon canasson mécanique. Depuis Bribir, je croise plusieurs maisons en briques (avec les façades non terminées) pour cause de taxes qui seraient plus élevées quand l’extérieur d’une bâtisse est achevé. Malin les croates, cela donne des villages assez rigolos avec leurs reflets ocres et non achevés.
Le côté négatif de ces zones rurales sera les chiens (pas souvent errants) qui peuvent me courser et m’aboyer dessus à 30 cm des pédales sans aucune gêne. À pleine vitesse, ça se révèle être très dangereux et plus lentement, on risque la morsure. Pour ce coup-ci, sans expérience, je choisis de déboiter de l’autre côté de la route, je suis chanceux rien n’est en face de moi 🙂 juste un camion quelques 20 secondes plus tard, j’ai eu chaud !
J’apprécie ensuite la beauté de la nature croate en empruntant un petit chemin (mais bien agencé) proche des lacs où je zigzag dans la brousse dans un calme et des couleurs incroyables, c’est le pied !
Je m’installe au camping et vais goûter des encornets (après avoir quitté la côte oui, logique …). C’était pas incroyable mais je compte bien faire en sorte que mes futures aventures culinaires seront toujours plus originales et alléchantes ! Belle nuit de repos en perspective pour une visite des lacs le lendemain.
Jour 5 Plitviče Pause
Réveil matinal pour prendre le bus gratuit du camping vers les lacs à 9h et un retour vers 17h. Mon intime conviction est que j’étais chanceux de visiter cet endroit pendant la période Covid en août car sans ça, je suis quasiment certain que j’aurais été submergé de touristes pour profiter de ces magnifiques plans d’eau d’un camaïeu bleu et vert. Le turquoise, ça vous gagne. On peut même y voir à travers jusqu’au fond, c’est juste sublime.
J’ai mis le maillot de foot de la France à 2 étoiles pour l’occasion et un peu chambrer mes amis croates de la victoire en coupe du monde 2018 😛 Et quel hasard, je finis en tant qu’étranger interviewé par la télé croate (N1) pour savoir comment j’ai entendu parler de Plitviče (pas sûr qu’ils la gardent celle là 😀 ).
Parcourir le dédale de lacs jusque dans les hauteurs était un pur plaisir. On peut rapidement se retrouver seul dans les chemins plus sinueux et apprécier de belles vues avec de la perspective. Les lacs en escalier ça a sacrément de la gueule, je peux vous le dire les amis !
Lacs de Plitvice et leurs couleurs châtoyantes
Après cet extase visuel, je rentre au camping et rencontre un couple super sympa (mon premier vrai échange humain du trip qui annonce que de belles choses pour la suite). Christophe d’Annecy et Claire l’anglaise, voyageant en voiture et une tente sur le toit. Je suis timide mais c’est elle qui vient vers moi pour me demander un briquet pour allumer son antimoustique. Comme quoi les rencontres se font vraiment par des détails. Leur Renault Espace fait un beau travail qui les a emmené jusqu’ici en passant par Venise puis l’ile de Krk, mais aussi Trogir, Šibenik et le parc de Krka plus au Sud de la Croatie qui sont sur mon chemin. Ils me donnent pleins de conseils en particulier pour Krka et Zadar que je visiterais sous peu. J’irais donc viser les spots gratuits pour se baigner dans la pampa de Krka et le resto pied dans l’eau pas cher. Pour Zadar, ils m’indiquent une sortie kayak en mer que je vais skipper car j’ai d’autres plans. On échange nos activités principales, lui est chef d’entreprise dans la construction, elle, (roulement de tambour) prof d’anglais, et moi au chômage à évaluer ma vie, LOL, qu’est ce qu’on se marre 😛
Ils m’ont gentiment offert une bière, mmmmmmh le bon goût du gratuit, ça fait toujours plaisir ! Ils ont également visité l’Estonie, la Lituanie et Eger en Hongrie avec leur engin, ce sont de sacrés Europe-trotteurs. Pour finir ma journée, je cuisine des pâtes au pesto. Quel cuistot !
Jour 6 Plitviče aux alentours de Zadar (122 km)
Pour démarrer la journée, au menu, petit déjeuner avec le couple + une photo souvenir. Je leur laisse un petit mot arraché de mon calepin. On verra s’ils jetteront un oeil à mon instagram 😛
Départ officiel du camping à 11h30 au lieu d’un départ tôt pour une journée longue distance… Il me semble que je n’arriverais pas à tenir une cadence correcte dans mes timings de départ et d’arrivée sur ce voyage…
Au début, je traverse une sorte de désert de population croate près de la frontière avec la Bosnie. Je vois donc des maisons entières et des terrains vagues abandonnés. L’ambiance y est glauque et en même temps très mystique et intriguante. Je vois même des toits effondrés laisser place à des arbres poussant au cœur des maisons. Une vraie nature “morte” humaine. Pour autant, les cimetières sont bien entretenus, j’en conclus que malgré un exode potentiel, les croates y viennent encore et entretiennent les tombes de la famille en guise de respect. La famille et les amis, les vraies valeurs balkanes.
Je passe proche d’un camp militaire et d’une petite ville nommée Ubdina avec une église orthodoxe très récente toute immaculée de blanc et qui donne place à une belle vue sur la plaine alentour.
Ensuite, les côtes me challengent mais c’est sans compter sur l’écoute de “La Strasbourgeoise” et d’autres chants militaires ou même de supporters (YNWA et Allez Allez Allez de Liverpool entre autres) qui me motiveront pour parachever cette journée avant une sublime descente en direction de Zadar et des montagnes karstiques de l’Adriatique !
Sur le chemin, je rencontre également un duo de français, Brendan et Alex. Je dois remercier mon maillot des Bleus deux étoiles qui les fait piler devant moi 50 m plus loin avec leur super combi Citroën bricolé à la main avec l’aide d’un garagiste. On se donne rendez-vous le lendemain sur Zadar.
Je finis par une nuit à la belle étoile sur la caillasse dans les contrées reculées de Zadar. Après avoir posé mon matelas et laissé mes yeux contempler le ciel, j’aperçois un des plus beaux spectacles que ce trip pourra m’offrir : une valse continue d’étoiles filantes. Toutes les 2-3 minutes et cela pendant une bonne demi-heure, le défilé reprend son fil. Si tous mes voeux se réalisaient, je serais sûrement riche, heureux et avec la plus belle femme du monde à partir de la semaine prochaine. La nuée d’étoiles constante donne un décor fabuleux pour ce moment. Pardonnez moi, ce genre de vue ne peut être partagé avec de belles photos, la qualité de mon vieil iPhone 5C, en constante surchauffe au soleil durant la journée, ne saura rendre service à ce que j’ai vu de mes propres rétines.
Jour 7 Autour de Zadar à Zadar (34 km)
Départ 09h15 : Arrivée sur Zadar en 1-2 heures, petite journée de vélo en somme. On se retrouve et on discute avec le duo de Bretons. Ils vont en prépa pour devenir ingé (oh comme c’est bizarre 🙂 un peu comme moi). On se fait un petit repas acheté au supermarché et un petit plouf dans la mer avec les 2 Breizhs. Ils ont donc traversé la France, l’Italie, la Slovénie puis la Croatie. Ils se dirigent vers le Sud et prévoient ensuite de tracer tout droit au Nord pour rentrer dans leurs terres des crêpes, galettes et Kouign Amann. Coachés par un garagiste, ils ont retapé la bête en 2 semaines pour avaler les kilomètres et dormir à l’intérieur comme de vrais roots. Je trouve ça incroyable et courageux. On se donne encore rendez-vous vers Krka où nous feront définitivement chemin inverse.
Je récupère les clés de l’auberge (enfin un vrai lit !) et me balade au centre de la douce Zadar. Tout est proche et très méditerannéen, il y a une très belle place avec une grande église (catholique car les croates sont majoritairement catho). L’orgue marin sur la côte est perturbant mais apaisant, avec le jeu de lumières de nuit du Greeting to the Sun, c’est encore mieux. Je me prends un verre dans le parc un peu au Sud, l’ambiance me relaxe avant d’aller déguster un agneau de l’île de Pag au restaurant Pet Bunara, semble t-il grillé à la Napoléon (ne me demandez pas ce que c’est, aucune idée). C’est tout simplement exquis.
Pour le retour à la chambre, je rencontre des Suissesses, des Schwizeri vo Barn (Berne) Céline und Jasmin (25 ans). Elles voyagent à pied et en stop pour un an après avoir quitté leur job respectif. Elles souhaitent passer par l’Albanie, la Grèce, la Turquie et la Géorgie. Deux jeunes filles comme ça, c’est extrêmement courageux, ça tabasse. Bon, allez, go dodo maintenant et rdv pour la semaine 2.
2 commentaires:
Mais la vraie question c’est t: as-tu-pris un Death in the Afternoon au Hemingway Bar? Histoire que les cotes deviennent des decentes, ca peut aider 😉
On ne sait pas vraiment de quelle descente tu parles ici :p
Je me rattraperais une prochaine fois pour tester le concept du cocktail mortuaire d’après midi afin d’améliorer ma récupération haha